Compensation du handicap chez l'adulte: l'imputabilité d'un accident ou d'une maladie au service

L’imputabilité au service est un concept qui découle de l’application du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) et de la jurisprudence mais dont les effets s’étendent à d’autres domaines, en particulier aux pensions de retraite, aux allocations des fonds de prévoyance, ainsi qu’à la gratuité des soins du service de santé des armées. C’est donc au travers de sa reconnaissance (ou de l’absence de celle-ci) que seront appréciés les droits à certaines des prestations les plus significatives de la protection statutaire dont, en particulier les Pensions Militaires d’Invalidité.

La notion d’imputabilité au service et les conditions d’établissement de la relation de cause à effet qu’elle suppose sont complexes, par là même assez mal connues et, de ce fait, l’expérience le montre, sujettes à des interprétations approximatives ou erronées qui peuvent être sources de préjudices pour les militaires.


1/ Notion d’imputabilité au service
Les articles L.2 et L.43 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre en fixent le cadre général.

Ouvrent droit à pension :
·         Pour le militaire
o   les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’événements de guerre ou d’accidents éprouvés par le fait ou à l’occasion du service ;
o   les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l’occasion du service ;
o   les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’accidents éprouvés entre le début et la fin d’une mission opérationnelle
o   l’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service.

·         Pour les ayants cause (veuf, veuve, orphelin, ascendants) :
o   le décès du militaire causé par des blessures ou faisant suite à des blessures reçues au cours d’événements de guerre ou résultant d’accidents survenus par le fait ou à l’occasion du service;
o   le décès du militaire causé par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l’occasion du service ;
o   le fait que le militaire était titulaire d’une pension militaire d’invalidité d’un taux au moins égal à 60%.

Il en résulte que l’appréciation de l’imputabilité qui est du ressort de la sous-direction des pensions repose sur l’existence ou, à l’inverse, sur l’absence de relation de l’événement à l’origine de l’infirmité avec le service. C’est donc cette dernière relation qui doit être établie.


2/ Etablissement de la relation avec le service
Imputabilité à prouver : le régime de la preuve
·      Les activités militaires
Le militaire en service est toujours couvert par le régime de la preuve. A charge pour lui d’apporter la preuve de la relation entre le service et l’affection invoquée.
Ce qui crée le rattachement du dommage au service, c’est principalement la subordination, situation dans laquelle le militaire relève du contrôle et de la surveillance de ses supérieurs.
D’où la nécessité d’établir que deux conditions cumulatives étaient réunies au moment de la réalisation de l’événement dommageable :
o   l’une de temps et de lieu : l’événement doit s’être produit pendant l’accomplissement du service et en un lieu où s’exerçait le service ou une nécessité de service,
o   l’autre de relation avec le service, ce qui implique que le fait de service se rattache à l’exécution du service par un lien direct et certain de cause à effet.

La faute, sans relation avec le service, si elle est à l’origine du dommage empêche toute reconnaissance d’un droit à pension militaire d’invalidité, même s’il est survenu pendant le temps et sur le lieu du service.
La réunion de ces conditions doit être mise en évidence par les pièces jointes à la demande de pension, notamment le rapport circonstancié du chef de corps inscrit au registre des constatations et les documents médicaux. Ces documents ont une importance déterminante.

·      La couverture particulière des blessures reçues au cours d’une mission opérationnelle (article L2-4° du  CPMIVG) 
Elle résulte d’une disposition nouvelle introduite dans le CPMI par l’article 97 de la loi n°2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires. Cette notion n’est applicable qu’aux blessures survenues à compter du 1er juillet 2005.
Jusqu’alors, seule la relation de causalité entre l’infirmité et l’exécution du service pouvait justifier l’ouverture d’un droit à pension d’invalidité.
Désormais, la notion de mission opérationnelle, beaucoup plus large, s’est substituée à celle d’exécution d’un service. Toutefois, la mission opérationnelle doit représenter pour le militaire une situation particulière par rapport à son activité ordinaire.

Le décret n°2007-319 du 8 mars 2007 a fixé 6 types de mission opérationnelle :
o   les opérations extérieures sous la responsabilité de l’état-major des armées, ONU, OTAN et les missions à l’étranger ;
o   les opérations d’expertise ou d’essai (y compris les évaluations techniques et les vérifications de matériels et d’équipements civils ou militaires)
o   les opérations d’assistance aux armées, c’est-à-dire les opérations dans le cadre de catastrophes naturelles ou d’aide à la population (POLMAR, tempête, inondation, feux de forêt, pollution, etc.)
o   les opérations de maintien de l’ordre et les opérations pour la sécurité des personnes et des biens (VIGIPIRATE, etc.)
o   les exercices ou manœuvres de mise en condition des forces (préparation au combat, etc.)
o   les escales (navales ou aériennes).

Etre placé en mission opérationnelle permet au militaire de bénéficier du régime de la preuve pour les blessures reçues pendant toute la durée de la mission opérationnelle, par suite d’accidents survenus :
o   au cours des activités militaires
o   au cours des activités de la vie courante (repas, toilette…)
o   au cours des activités de détente ou de loisirs (cinéma, bowling…).

En mission opérationnelle et pour les blessures, c’est une COUVERTURE 24H/24H qui est accordée au militaire, sauf comportement fautif détachable du service.

Placé sous le régime de la preuve, un accident en mission opérationnelle devra faire l’objet d’un rapport circonstancié contemporain des faits inscrit au registre des constatations et les séquelles devront avoir été médicalement constatées.

Imputabilité présumée : le régime de la présomption
Dans certaines circonstances, le lien de causalité entre le service et l’infirmité n’a pas à être établi. Tel est le cas, en vertu de l’article 4123-4 du code de la défense des affections contractées en OPEX auxquelles s’applique une présomption d’origine selon des modalités distinctes suivant qu’il s’agit d’une blessure ou d’une maladie :
·         la blessure constatée médicalement sur le territoire de l’OPEX est présumée imputable au service,
·         la maladie le sera si elle a été constatée médicalement après le 90° jour qui suit l’arrivée sur le territoire OPEX et avant le 60° jour suivant le retour en France (pour les OPEX effectués après le 1er juillet 2005). Pour les OPEX effectués avant cette date, ce dernier délai est de 30 jours.

Toutefois, pour avantageuse qu’elle puisse être, la présomption d’origine ne dispense pas d’établir la filiation entre la blessure ou la maladie constatée et le décès ou l’infirmité. Par ailleurs, s’agissant d’une présomption simple, elle n’a d’effet qu’autant que la preuve contraire n’est pas rapportée. L’administration peut toujours démontrer que l’événement n’est pas imputable au service, notamment en cas de faute ou de pathologie préexistante.

Rappel : le militaire est également couvert par le régime de la preuve pour les blessures lorsqu’il est en OPEX, au titre de la mission opérationnelle.


Le fait détachable du service
Bien que s’étant produit pendant le temps et sur le lieu du service, le fait détachable du service, c'est-à-dire sans relation avec l’exécution normale de celui-ci, exclut l’imputabilité.

Dans la plupart des cas, il est le résultat d’un manquement grave à la discipline ou d’un comportement fautif de la victime (infraction aux consignes de sécurité, utilisation de matériel à des fins autres que celles de service, usage abusif de véhicule militaire, infraction au code de la route,…).


Quelques règles simples
·      Un militaire ne peut être en même temps dans deux positions administratives différentes.
Il va de soi qu’un militaire ne sera pas considéré comme en service s’il apparaît par ailleurs dans le rapport circonstancié comme étant en position de repos, de quartier libre ou, a fortiori, en permission ou en congé (à l’exception des règles régissant les accidents de trajet).
L’imputabilité au service ne sera pas retenue dans un tel cas et même s’il y a doute, la sous-direction des pensions suivis en cela par la jurisprudence fera primer la position hors service sur celle de « en service ».
C’est pourquoi les termes de « congé », « permission », « quartier libre », « activité menée à titre personnel» sont à exclure du libellé des rapports de commandement dès lors que l’événement peut être rattaché au service.

·      Un militaire s’adonnant de sa propre initiative à une activité ne peut être considéré comme en service
Il en résulte que toute activité de sport, de détente, de cohésion doit, sauf s’il est manifeste qu’elle est exercée pour convenances personnelles, apparaître comme étant placée sous le contrôle du commandement afin d’être rattachée au service et constituer le prolongement normal des fonctions professionnelles du militaire.
Même s’il est établi que le maintien en condition physique est une obligation générale et permanente inhérente à l’état militaire, cette règle lui est applicable.

·      Etre en mission 24h/24 ne signifie pas pour autant être en service 24h/24.
La terminologie en usage dans les armées comporte le plus généralement les termes de « mission » et de « disponibilité permanente » alors que la législation des pensions d’invalidité ne reconnaît que le terme de « service » plus précis mais aussi plus restrictif.
Etre en « mission » ne signifie donc pas forcément « être en service ». Tel est le cas lorsque l’événement, bien que survenu pendant la durée de la mission ne peut être rattaché à l’activité professionnelle ou considéré comme le prolongement normal de celle-ci.


Les situations particulières
·      Quartier libre (QL), et activités de détente et de cohésion.
Puisqu’un militaire ne peut être en même temps dans deux positions administratives différentes (en service et en QL ou en permission), l’affection contractée en quartier libre ou en permission sera toujours considérée comme sans relation avec le service et par voie de conséquence non imputable, sauf lors d’une mission qualifiée d’opérationnelle au sens du CPMI.

·      Par ailleurs, l’organisation des activités collectives de cohésion et de détente doit :
o   clairement apparaître comme étant décidée par le commandement (note de service, etc.) ;
o   être placée sous son autorité (désignation d’un chef de détachement) ;
o   être contrôlée par le commandement (compte rendu de déroulement) ;
o   donner lieu à désignation des militaires y participant (le volontariat fait perdre la notion de service) ;
o   indiquer, lorsqu’un financement est nécessaire, que le commandement est à l’origine de celui-ci.